Conseiller, candidat, écrivain… Que sont devenus les anciens patrons de l’OUA et de l’Union africaine ?

La Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma vient d’achever son mandat à l’Union africaine. Avant elle, onze Africains se sont succédé à la tête du secrétariat général de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) puis de la Commission de l’UA. Découvrez ce qu’ils sont devenus.

Kifle Wodajo (1963-1964)

L’Éthiopien a été le premier secrétaire général, certes provisoire, de l’Organisation de l’unité africaine. Alors que l’Éthiopie avait obtenu que le siège de l’OUA soit construit à Addis-Abeba, et que son premier président soit l’empereur Haïlé Sélassié, c’est logiquement un de ses diplomates qui est chargé de la mettre en œuvre. Kifle Wodajo a mis sur pied les structures de base de l’organisation et établi les conditions d’emploi pour le personnel.

Fort de cette expérience, il occupe de 1975 à 1977 les fonctions de ministre des Affaires étrangères, après le renversement de l’empereur Sélassié. Mais, alors que Mengistu Hailé Mariam s’installe au pouvoir en s’appuyant sur la junte du Deng, il choisit l’exil aux États-Unis en 1977.

Il ne rentrera en Éthiopie qu’en 1991 pour participer à la période de transition après la chute du régime. Il préside alors le Conseil des représentants et la Commission constitutionnelle, qui ont posé les jalons pour la formation du gouvernement de Meles Zenawi. Il se retire de la vie politique à la fin des années 90. Malade, soigné en Afrique du Sud, il décède le 28 avril 2004.

Diallo Telli (1964-1972)

Ce diplômé de l’École nationale de la France d’outre-mer, né en 1925, magistrat au Sénégal, puis secrétaire général du Grand Conseil de l’Afrique-Occidentale française, est l’artisan de l’entrée de la Guinée à l’ONU en 1958. Ambassadeur à Washington et représentant de la Guinée auprès des Nations unies, il s’impose en 1964 au poste de secrétaire général de l’OUA, qu’il occupera jusqu’en 1972.

Non réélu, en grande partie à cause des réticences du président Sékou Touré, il devient tout de même ministre de la Justice à son retour en Guinée. Mais l’homme, sans doute trop libre, est arrêté dans la nuit du 18 au 19 juillet 1976, et est accusé de complot. Il finit par avouer, sous la torture, avoir été recruté par la CIA pour participer au renversement du président Sékou Touré. Diallo Telli meurt en détention le 1er mars 1977.

Nzo Ekangaki (1972-1974)

Député, ministre des Affaires étrangères en 1962, puis du Travail en 1965, le Camerounais parvient à la tête du secrétariat général de l’OUA le 15 juin 1972, soutenu par le président Ahmadou Ahidjo. Il n’y restera toutefois que deux ans. En janvier 1974 éclate l’affaire dite « OUA-Lonrho », révélée par Jeune Afrique.

Afin de réduire l’impact de la crise pétrolière de 1973 sur les pays africains, l’OUA s’est en effet offert les services de la London Rhodesian Mining Land Company (Lonrho), qui est chargé de conseiller les pays membres soucieux d’atténuer les effets de la hausse des prix du baril. Problème, il s’avère que la Lonrho est également très liée aux régimes racistes rhodésiens et sud-africains, que l’OUA s’est donné pour mission de combattre. De plus, son patron, Roland Walter Enhrhop, est un ancien sympathisant des Jeunesses hitlériennes, et on suggère que la Lonrho aurait versé des pots de vin pour décrocher le contrat.

Malgré le soutien d’Ahidjo, Nzo Ekangaki va faire les frais du scandale. Il est forcé de démissionner, alors que les chefs d’État choisissent son successeur. Ahidjo présente la candidature de William Aurélien Eteki Mboumoua, son conseiller spécial auprès du Comité de l’OUA pour le Moyen-Orient. Celui-ci, malgré une élection difficile, qui voit le président camerounais quitter précipitamment les débats, finit par être élu, grâce au soutien du Sénégalais Léopold Sédar Senghor.

De retour au Cameroun, Nzo Ekangaki intègre le ministère de l’Administration territoriale en tant que conseiller technique, poste qu’il occupe jusqu’en 1985. Il devient alors conseiller du président Paul Biya pour les affaires administratives, jusqu’en 1989, et siège au conseil d’administration de la Cameroon Radio and television (CRTV). Le natif de l’actuelle province du Sud-Ouest décède le 6 juin 2005 à l’âge de 71 ans.

William Eteki Mboumouna (1974-1978)

Préfet de la Sanaga-Maritime, dans la région du Littoral, il est l’un des artisans de la lutte contre l’Union des populations du Cameroun (UPC) dans les années 1958-1961. Il embrasse ensuite une carrière ministérielle, notamment, de 1961 à 1968, avec le portefeuille de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports. Son directeur de cabinet est un certain Paul Biya.

Vice-président de l’Unesco à partir de 1967 et conseiller spécial du président Ahidjo de 1971 à 1973, il remplace son compatriote Nzo Ekangaki à la suite de sa démission du secrétariat général de l’OUA, en 1974. Après avoir eu à gérer l’invasion de la Somalie par l’Éthiopie, il quitte son poste en 1978, remplacé par le Togolais Edem Kodjo.

Il redevient alors conseiller d’Ahmadou Ahidjo puis, alors que Paul Biya, dont il est proche, a pris le pouvoir en 1982, devient ministre des Affaires étrangères en 1984. Limogé en 1987 par le président Biya, William Eteki Mboumouna se consacre ensuite à l’humanitaire et devient président de la Croix-rouge camerounaise. Il meurt à l’hôpital de Yaoundé le 26 octobre 2016.

Edem Kodjo (1978-1983)

Vincent Fournier/JA

Ancien de la Fédération des Étudiants d’Afrique Noire en France (FEANF), ministre de l’Économie, puis des Affaires étrangères dans les années 1970, et enfin gouverneur du Fonds monétaire international, Edem Kodjo succède au Camerounais William Eteki Mboumouna en 1978. Le Togolais occupe le poste de secrétaire général de l’OUA jusqu’en 1983, traversant la crise du Sahara occidental et œuvrant pour l’adoption du Plan de Lagos sur le développement des pays membres.

Contesté par le président Eyadema Gnassingbé pour ses critiques envers l’autoritarisme du régime togolais, Edem Kodjo choisit l’exil au terme de son mandat, en 1983, en France, où il enseigne à la Sorbonne et fonde le magazine Afrique 2000. En 1991, il rentre au Togo et fonde l’Union togolaise pour la démocratie (UTD). Candidat unique de l’opposition à l’élection présidentielle de 1993, il appelle finalement au boycott, mais devient Premier ministre d’un gouvernement de coalition en 1994, puis démissionne en 1996, lorsque le parti d’Eyadema retrouve sa majorité.

Edem Kodjo retourne à l’opposition. Après avoir été candidat malheureux à l’élection présidentielle de 2003, il retrouve, deux ans plus tard, le fauteuil de Premier ministre, cette fois-ci à l’appel de Faure Gnassingbé. Il reste une année à ce poste, avant de devenir ministre d’État à la Présidence en 2006.

Deux ans plus tard, il annonce son retrait de la scène politique togolaise et son désir de se consacrer à ses projets panafricains, ainsi qu’à ses deux passions, la littérature et la théologie. Il sort toutefois de sa relative retraite pour occuper le poste de facilitateur du dialogue en RD Congo, en 2016. Mais il se heurte finalement à une grande partie de l’opposition congolaise, qui finit par le mettre hors-jeu.

Peter Onu (1983-1985)

Peter Onu n’est pas le plus connu des secrétaires généraux de l’OUA. Ancien ambassadeur en Allemagne et conseiller à l’ambassade du Nigeria à Moscou, il prend la tête de l’organisation en 1983, à la suite du Togolais Edem Kodjo. Il n’y passera toutefois que deux ans. Faute d’avoir pu départager les deux postulants au poste de secrétaire général, en l’occurrence le Gabonais Paul Okoumba d’Okwatsegue et le Malien Alioune Blondin Bèye, l’organisation l’a en effet désigné afin qu’il assure la fonction jusqu’au prochain sommet.

Mais, en novembre 1984, lors d’un sommet qui voit le Maroc quitter l’organisation, les deux postulants au poste ne sont toujours pas départagés et Peter Onu voit son intérim prolongé. Il quitte son poste le 20 juillet 1985, alors que le Nigérien Idé Oumarou est élu à sa succession, avec le soutien… du président du Nigeria de l’époque, un certain Muhamadu Buhari. De retour au Nigeria, Peter Onu devient conseiller politique de plusieurs chefs d’État, jusqu’à sa mort.

Ide Oumarou (1985-1989)

Ancien de l’Institut des hautes études d’Outre-mer, il est affecté, en 1960, à l’indépendance du Niger, au commissariat général du plan. Le premier président du Niger, Hamani Diori, fait ensuite de lui le directeur du journal « Le Niger ». Il occupe successivement des fonctions de directeur et de commissaire général au ministère de l’Information, avant d’être affecté à la direction générale des Postes et télécommunications.

Directeur de cabinet et conseiller diplomatique de Seyni Kountché, il est nommé représentant permanent du Niger auprès des Nations unies au début des années 80, avant d’occuper le poste de ministre des Affaires étrangères de 1983 à 1985. Il prend alors la tête du secrétariat général de l’OUA, qui se bat notamment pour la fin de l’apartheid en Afrique du Sud et pour un plan Marshall à destination du continent africain. Candidat à sa propre succession en 1989, il n’obtient pas la confiance des chefs d’État.

Il occupe par la suite différents postes politiques dans son pays, tentant en vain de relancer le Parti démocratique africain. Directeur de cabinet du président Ibrahim Baré Mainassara au moment de l’assassinat de ce dernier, il se retire ensuite de la politique mais s’engage une dernière fois, en 2000, comme médiateur de l’Organisation internationale de la Francophonie dans la crise togolaise. Il aura également consacré une partie de sa vie à l’écriture, écrivant deux romans, dont « Gros plan », Grand prix littéraire d’Afrique noire en 1978. Ide Oumarou décède le 12 février 2002 à Niamey.

Salim Ahmed Salim (1989-2001)

UA

Ambassadeur de Tanzanie en Égypte, en Inde, en Chine, à l’ONU et à Cuba entre 1964 et 1980, puis Premier ministre et ministre de la Défense de son pays, Salim Ahmed Salim a été secrétaire général de l’Organisation de l’unité africaine de 1989 à 2001.Il s’est notamment battu pour une plus grande implication de l’ONU au Rwanda durant le génocide de 1994. Fort de son expérience aux Nations unies, il est le seul secrétaire général à avoir occupé ses fonctions durant trois mandats. En 2001, il ne se retire pas pour autant de la vie politique.

Chargé de mission pour l’Union africaine en 2003 et 2004 pour régler la crise du Darfour, il annonce surtout son ambition de briguer la succession du président Benjamin Mkapa. Mais son parti lui préfère Jakaya Kikwete, qui devient candidat et remporte l’élection. Il se retire alors de la vie politique nationale, mais reste président de la fondation Julius Nyerere, qui promeut un programme de paix, d’unité et de développement axé sur le peuple. Il continue également ses actions sur le plan de la consolidation de la paix en Afrique, notamment au Burundi, dont il suit de près l’évolution, ayant contribué à la signature des accords d’Arusha avec Nelson Mandela en 2000.

Amara Essy (2001-2002 puis 2002-2003)

Proche de Félix Houphouët-Boigny, ministre des Affaires étrangères entre 1990 et 2000, il est président de l’Assemblée générale des Nations unies entre 1994 et 1995 et devient, en 2001, secrétaire général de l’OUA. Amara Essy sera le dernier à occuper ce poste : en juillet 2002, à la création de l’Union africaine, il devient le président intérimaire de la Commission, jusqu’en 2003.

Candidat à sa succession, il échoue toutefois, alors qu’Alpha Oumar Konaré est élu. Il continue d’assurer des missions pour l’UA, notamment à Madagascar, en 2009, tout en restant en retrait de la vie politique ivoirienne. Il y revient cependant à l’approche de la présidentielle 2015, alors que des cadres du PDCI le poussent à se présenter afin d’éviter une candidature avec le RDR. Il renonce toutefois à l’élection trois semaines avant le vote. Amara Essy reste toujours très présent à l’UA : il fait partie des hommes de confiance recrutés par le Guinéen Alpha Condé, président en exercice de l’organisation.

Alpha Oumar Konaré (2003-2008)

Président de la République malienne de 1992 à 2002, il est le seul chef d’État à avoir ensuite occupé le poste de président de la Commission de l’Union africaine. Élu en 2003 face à Amara Essy, il dirige l’organisation jusqu’en 2008. Il reste relativement en retrait après son départ de l’UA, refusant de commenter la politique malienne et étant en froid avec son successeur, Jean Ping, qui raille sa « politique du mégaphone ».

Il crée toutefois en 2008 sa fondation, nommée « Mouvement pour les États-Unis d’Afrique », dont la vocation est de faire renaître l’idéal du panafricanisme sur le continent. Mais ce n’est qu’au départ de Jean Ping, et à l’appel de Nkosazana Dlamini-Zuma, qui a succédé au Gabonais, qu’il accepte véritablement de revenir dans le jeu panafricain en présidant un groupe de travail sur l’Égypte. Malgré l’insistance de ses proches et l’implication de son fils, il continue de se tenir à l’écart de la politique malienne. Il se consacre notamment à l’écriture et publie en 2016 « La Bataille du souvenir », un livre d’hommage aux grandes figures africaines.

Jean Ping (2008-2012)

Vincent Fournier/J.A.

Ministre d’État, ministre des Affaires étrangères, de la Coopération et de la Francophonie de 1999 à 2008, il préside l’Assemblée générale des Nations unies de 2004 à 2005 et la Commission de l’Union africaine de 2008 à 2012, succédant à Alpha Oumar Konaré. Après des crises difficiles en Côte d’Ivoire et en Libye notamment, où l’Union africaine ne parvient pas à imposer sa médiation, il quitte ses fonctions avec une certaine frustration, d’autant qu’il s’estime trahi par Ali Bongo Ondimba, qui ne l’a pas soutenu dans sa quête d’un second mandat.

La brouille entre les deux hommes va alors rythmer la vie politique gabonaise. Quittant le parti au pouvoir, Jean Ping cherche progressivement à s’imposer comme le leader de l’opposition face à son ancien beau-frère. Il y parvient en étant désigné candidat à la présidentielle en janvier 2016 puis en ralliant plusieurs opposants d’envergure autour de lui, comme Casimir Oyé Mba, et Guy Nzouba-Ndama. Il est hélas battu, selon des résultats officiels qu’il conteste, et Ali Bongo Ondimba est réélu.

S’affirmant vainqueur, Jean Ping a toutefois refusé d’abandonner. S’appuyant sur un rapport des observateurs de l’Union européenne (UE) qui « met en question l’intégrité » de la victoire d’ABO, il a choisi le bras-de-fer et a lancé son propre dialogue politique afin de pousser Ali Bongo Ondimba à « examiner les conditions d’un transfert du pouvoir », comme il l’a encore répété le 7 février en conférence de presse. Le chef de l’État a répondu en lançant son propre dialogue national, auquel Jean Ping refuse de participer. Mais ce dernier sait toutefois que le temps joue en faveur de son adversaire.

Nkosazana Dlamini-Zuma (2012-2017)

Salvatore Di Nolfi/AP/SIPA

En janvier 2012, l’Afrique du Sud présente la candidature de Nkosazana Dlamini-Zuma à la tête de l’UA face au sortant, le Gabonais Jean Ping, contrevenant à tous les usages de l’institution, qui voulait que les principales puissances du continent s’abstiennent de briguer le poste. Élue au forceps, la Sud-Africaine n’occupera le fauteuil que durant un seul mandat, ne tentant pas d’en briguer un second.

Dès l’origine, l’ex-épouse de Jacob Zuma a semble-t-il surtout utilisé l’institution pour des ambitions qui, elle l’espère, la mèneront loin d’Addis-Abeba, au palais présidentiel de Pretoria, à la tête de l’Afrique du Sud. Poids lourd de l’African national congress (ANC), où elle a su rester proche des tendances Zuma et Mbeki. Elle est une candidate très crédible à la succession de Jacob Zuma.

Mathieu Olivier

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