l’Afrique, premier continent d’accueil des réfugiés
À l’occasion de la Journée Mondiale des Réfugiés, Jeune Afrique fait le bilan sur la situation des camps de réfugiés en Afrique.
Ce lundi, le Haut Commissariat aux réfugiés de l’ONU (HCR) a dévoilé dans son dernier rapport statistique annuel le nombre de déplacés et de réfugiés dans le monde, qui s’élèvait à 65,3 millions à la fin 2015. Ce chiffre alarmant, jamais atteint auparavant, est en forte hausse depuis 2014.
L’Afrique subsaharienne, première terre d’asile pour les réfugiés
Alors que l’attention est aujourd’hui portée sur la crise des migrants affluant aux portes de l’Europe, c’est pourtant l’Afrique qui accueille le plus de réfugiés dans le monde. L’Afrique subsaharienne est à elle seule la terre d’asile de 4,41 millions de réfugiés (sur un total de 21,3 millions dans le monde).
Ainsi, le HCR révèle que parmi les 10 pays accueillant le plus de réfugiés, la moitié sont des pays africains : l’Éthiopie est le 5è pays d’accueil, suivi du Kenya (6è), de l’Ouganda (8è), de la RD Congo (9è), et enfin du Tchad (10è).
Avec l’émergence de nouvelles crises depuis 2015, notamment au Burundi et au Soudan du Sud, le nombre de personnes contraintes à l’exode ne cesse de croître sur le continent. Mais qu’en est-il du nombre de réfugiés vivant dans des camps ?
De moins en moins de réfugiés occupant des camps formels
Surpeuplés, impersonnels, insalubres, sources d’insécurité et d’isolement… les camp de réfugiés, où des générations d’exilés s’entassent parfois depuis plus de quarante ans, sont jugés de plus en plus incompatibles avec les enjeux actuels du déplacement forcé. Ainsi, selon le rapport du HCR, les réfugiés sont aujourd’hui plus nombreux à s’installer dans des hébergements individuels en zone urbaine plutôt que dans des camps formels.
Un recensement difficile dans des pays d’accueil eux-mêmes en proie à l’insécurité
En Afrique, la plupart des camps de réfugiés officiels sont administrés par le HCR, souvent en partenariat avec d’autres ONG (comme Médecins sans Frontières) et les gouvernements des pays hébergeant les camps, comme c’est le cas au Ghana et en Tanzanie.
Malgré la foule d’informations fournies par le HCR sur les populations réfugiées dont elle assure la gestion dans le monde, il n’existe à ce jour pas de rapport officiel qui apporterait des informations synthétisées sur les camps de réfugiés en Afrique (ni à travers le monde).
Si la tâche est ardue, c’est aussi parce que les pays accueillant le plus de réfugiés dans des camps sont souvent eux-mêmes dans une situation similaire à celle des pays fuis par les populations qu’ils accueillent, empêchant ainsi la collecte et la mise à jour de données précises.
Par exemple, le Soudan, dont les camps hébergent plus de 150 000 réfugiés erythréens et sud-soudanais, est également sujet aux conflits civils à l’origine du déplacement forcé de centaines de milliers d’individus, que ce soit à l’intérieur du pays (on y estime environ 2 millions de déplacés internes) ou dans des camps voisins comme Kakuma au Kenya et Farchana au Tchad.
La Somalie est quant à elle devenue une terre d’asile pour des milliers de réfugiés fuyant la guerre civile au Yemen, alors même que la population réfugiée somalienne fuyant les conflits permanents dans leur pays est la troisième plus nombreuse dans le monde (plus d’un million de déplacés, selon le rapport du HCR).
>>> Cette carte répertorie les camps de réfugiés présents en Afrique. Les pays sont classés par nombre de réfugiés vivant dans les camps. Pour plus d’informations, cliquez sur le pays.
Des camps qui durent longtempsUne autre particularité des camps de réfugiés en Afrique est leur longévité : au Kenya, le célèbre camp de Dadaab, aujourd’hui plus grand complexe de camps de réfugiés dans le monde (avec près de 350 000 habitants en 2016), existe depuis plus de vingt-cinq ans. Ses habitants, pour la plupart des Somaliens, dont une partie n’a jamais connu d’autre toit que celui de leur tente estampée UNHCR, font aujourd’hui face à la décision du gouvernement kényan de fermer les principaux camps du pays d’ici novembre 2016.
Si les autorités sont parfois expressément opposées à l’idée d’aménager des espaces officiels pour les populations trouvant asile dans leur pays, comme c’est le cas en Afrique du Sud, certains gouvernements comme l’Ouganda et la Tanzanie ont adopté une politique d’accueil généreuse envers leurs populations réfugiées. Ainsi, le gouvernement ougandais, qui accueille plus de 500 000 réfugiés (d’origine principalement congolaise et sud-soudanaise) dans des camps, leur distribue des parcelles de terrain pour leur permettre une plus grande autonomie.
Enfin, si l’horizon d’une vie au-delà des camps n’est plus vraiment envisagé chez les habitants de villes-camps comme Dollo Ado (plus de 200 000 habitants) en Éthiopie ou M’bera en Mauritanie (plus de 40 000 habitants), le rapatriement est mis en route pour les populations dont le HCR estime que le pays d’accueil est désormais stabilisé.
Ainsi les réfugiés ivoiriens, exilés par milliers au Liberia, en Guinée et au Ghana suite à la crise post-électorale de 2011, font maintenant l’objet d’une vaste campagne de rapatriement ayant permis le retour de plus de 300 000 ivoiriens dans leur pays d’origine.
Si l’avenir des camps de réfugiés en Afrique est incertain, l’idée d’un retour au bercail ne serait donc pas nécessairement un mirage pour leurs habitants.
Par Chedine Tazi Jeune Afrique